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Jacques CHASTAN

 

            Si je suis prêtre, si je suis en Chine, je m’en crois redevable en grande partie à ces pieuses lectures que vous aviez coutume de faire le soir ou le dimanche. Oh ! mon cher père, pour vous délasser des travaux de la campagne, après avoir ensemencer vos champs pour récolter de quoi nourrir nos corps, vous aviez soin de jeter dans nos cœur une autre semence bien plus précieuse, puisqu’elle est destinée à fructifier pour l’éternité….« Je n’avais tout au plus que huit ans, et déjà ma bonne mère m’avait appris à lire, sans cependant interrompre les pénibles travaux auxquels elle se livre tous les jours d’une aube à l’autre et le plus souvent jusque bien avant dans la nuit ». Tant de bonté de votre part, mes chers parents, pénètre mon âme d’une vive reconnaissance.         

Lettre de Macao en 1833 à ses parents

 

 

Mes très chers amis

            Comme je vais bientôt quitter la France, sans espoir de la revoir, et par conséquent aussi, un grand nombre de mes amis, je prend la liberté de vous faire mes derniers adieux et de me recommander, en même temps, à vos ferventes prières ? Veuillez bien, je vous en conjure, remercier pour moi le Seigneur de la grâce toute singulière qu’il daigne m’accorder, en m’admettant malgré mon indignité dans le nombre de ses ministres, et en me choisissant pour aller porter la lumière de son saint Evangile à de pauvres indigènes, plongés dans les ténèbres de l’idolâtrie…

Cette parole à jamais mémorable de notre divin Sauveur : « Allez enseigner toutes les nations », ne s’adresse-t-elle pas à nous, prêtres….L’Evangile doit être prêcher jusqu’aux extrémités de la terre. C’est pour tous les hommes que Notre Seigneur a répandu son sang précieux… 

Lettre de Paris en1827 à ses confrères de Digne

 

 

            La dure Corée a pour moi bien des charmes, mais lorsque je réfléchis sérieusement que je ne suis qu’un ignorant, un stupide, un lourdaud de provençal, je suis bien forcé de convenir que c’est bien téméraire que d’entreprendre dans de telles dispositions une œuvre qui demande des hommes accomplis en vertu et en science, en un mot, un Apôtre. Ce que j’ai à faire pour le présent c’est de prier pour la conversion de ce pauvre peuple, travailler à acquérir les vertus requises de celui qui aura le bonheur d’y être envoyé, et puis si l’on veut mettre sur mes épaules le fardeau on trouvera toujours en moi un bon âne de Provence qui ne refusera pas la charge pourvu que l’avoine ne manque pas.

                        Lettre de Poulo Pinang en 1830

 

 

            Monseigneur  Bruguière, pour m’encourager à le suivre m’a promis une grande récompense : avez-vous la curiosité de savoir en quoi elle consiste, je vous dirai qu’elle ne consiste ni en or, ni en argent, ni en pierres précieuses ? C’est quelque chose de plus grand et de plus digne d’exciter mon ambition< ; qu’est-ce donc ? Ce sont des travaux sans nombre et ensuite, si Dieu me fait la grâce ; le martyr. Ce sont là des figues d’un autre panier, il faut avoir bon appétit pour les avaler, mais enfin, Dieu aidant le pauvre Jacques, il pourra bien en venir à bout.

                        Lettre à ses parents en 1833

 

 

            Je ne sais ce qui m’attend, j’y vais résigné à tout pourvu que j’y travaille à la gloire de mon Dieu, au salut des âmes et de la mienne en particulier. Je suis content, toute ma confiance est dans le Seigneur. C’est de lui que j’attend la force de souffrir pour son saint Nom si l’occasion se présente. C’est à quoi il faut nécessairement  être résigné dans un pays où notre sainte religion ne jouit point de l’approbation de l’autorité civile…Demain, après minuit, je mettrais le pied en Corée, coiffé et habillé à leur mode…

                        Lettre de Pien Men du 30 décembre 1836 à ses parents.

 

 

 

           

 

 

Depuis dix ans que je suis en mission, je n’avais jamais fait une aussi abondante récolte aussi je n’avais jamais été si content que je le suis dans cette mission, pauvre à la vérité quand aux biens de ce monde, mais riche en bonnes âmes qui servent le Seigneur bien fidèlement…Je vous prie, mes chers parents, de n’être point en peine sur le sort de Jacques. Je n’ai jamais eu envie de retourner en France, bien moins maintenant que je me trouve au terme de mes désirs.

                        Lettre de Corée du 12 septembre 1837 à ses parents

 

 

            Avant de venir en mission, je savais bien que tôt ou tard il me faudrait souffrir quelque chose pour le bon Dieu. Lorsque le vicaire apostolique de la Corée daigna m’appeler à sa suite je pensais bien que je pourrais obtenir la palme du martyre. A mon entrée dans cette chère mission, on torturait cinq confesseurs ; j’étais bien faible, je tremblais en entendant le récit des tourments qu’on leur faisait endurer. Depuis le Seigneur m’a fait la grâce de ne plus craindre… Je pars demain retrouver mon confrère (Pierre Maubant) ; de là nous rendrons au lieu destiné où l’officier qui conduisit Monseigneur (Laurent Imbert) nous attend avec impatience ; il nous conduira en prison. Nous aurons la consolation de revoir Monseigneur et peut-être aussi nos chers catéchistes et tous les fervents chrétiens qui souffrent depuis quelques mois un long martyre.

                        Dernière lettre à ses parents 31 août 1839